Purism Librem 14 — Partie 2

La deuxième partie de cette suite de billets a pris un peu de temps à arriver, la première partie ayant été publiée il y a quatre ans.

Dans cette première partie, je parlais du côté matériel du Librem 14 de chez Purism. Je pensais orienter la deuxième partie sur le côté logiciel, mais vu le temps qui s’est écoulé depuis, je vais plutôt faire un retour global de ce que je pense de cet ordinateur après quatre ans d’utilisation.

Lorsque j’achète du matériel comme un ordinateur, mon objectif, c’est que le dit matériel ait une espérance de vie d’au moins 10 ans. Donc à quatre ans, nous sommes à un peu moins de la moitié.

Matériel

Dans mon précédent article, ma première impression du matériel était plutôt bonne. Suis-je toujours en phase avec mon moi du passé ? Alerte divulgâchage : non.

La batterie

Niveau autonomie, j’ai la batterie à quatre cellules, la plus grosse donc (le Librem 14 peut-être vendu avec une batterie à trois cellules). Je pense que l’installation de Linux n’est pas super optimisée par défaut, et l’autonomie n’est pas exceptionnelle. Je pouvais facilement vider la batterie en deux heures.

Après, il faut voir que c’est un ordinateur portable, mais orienté performances, donc avec un processeur potentiellement assez gourmand.

La gestion de la batterie n’était pas terrible au début, certaines mises à jour du micrologiciel ont amélioré la situation. Mais dans les problèmes rencontrés :

Niveau durée de vie, elle est arrivée à un niveau de dégradation assez bas en l’espace de deux ans. Bref, l’ordinateur trans-portable au lieu de portable. De ce que j’ai compris, la qualité des batteries est très variable. Et à moins d’être un gros constructeur, avoir accès aux meilleures qualités de batteries est difficile. J’imagine que nous sommes dans cette situation.

Changer de batterie ? 🤣 Purism vend bien une batterie pour Librem 14, mais pour les clients hors États-Unis, ils ne peuvent l’envoyer qu’avec un ordinateur ou un téléphone. Apparemment, Purism a essayé de trouver un autre transporteur pour résoudre le problème, mais le prix était prohibitif. Tant qu’ils n’auront pas un vrai distributeur en Europe, ce ne sera pas possible.

Et pour finir sur le thême de l’alimentation, il y a presque systématiquement des étincelles lors du branchement de l’alimentation sur le port d’alimentation dédié.

Verdict sur la batterie : 👎

L’écran

L’écran en lui-même, Full HD IPS, rien à dire, il fait son boulot comme il est censé le faire. Pas de pixels morts. Rétroéclairage correct.

Par contre, le chassis de l’écran est un peu trop flexible, la feuille de métal utilisée est probablement trop fine. Ça ne donne pas un sentiment de qualité. Et surtout, comme expliqué dans mon billet précédent, la charnière est fixée dans du plastique et a cassé au bout de quatre ans.

C’est assez facilement réparable, je verrai combien de temps tient ma réparation. Au pire, il faut racheter un écran de remplacement, mais c’est dommage quand c’est seulement le chassis qui a cassé.

Verdict sur l’écran : 👍
Verdict sur le chassis de l’écran : 👎

Le clavier

Le clavier intégré au Librem 14 n’est pas mon clavier principal. Ceci étant dit :

Par contre, la touche « Ctrl » de gauche est un peu capricieuse.

Verdict sur le clavier : 👍

Pavé tactile

Mon premier avis était qu’il était correct, mais sans plus. Mon avis, maintenant, c’est qu’il est quasiment inutilisable. Pas précis, le suivi du doigt n’est pas consistant, la détection du clic en « tapant » (au lieu de cliquer) n’est pas consistant non plus.

Verdict sur la pavé tactile : 👎

Caméra/Microphone/Haut-parleurs/Prise jack

J’avais déjà mentionné que les haut-parleurs et la prise jack n’étaient pas terribles. Je confirme ce point.

Il y a eu quelques progrès niveau audio au début avec quelques mises à jour logicielles, mais rien de foudroyant.

Je me sers rarement de la caméra et du microphone intégré. Mais leur qualité n’est pas terrible non plus. Comme pour les haut-parleurs, c’est rare d’avoir des bons micros et caméras. Pour le travail, j’utilise un ordinateur Dell, légèrement plus récent, avec une finition nettement au-dessus de celle du Librem 14, mais la caméra et le microphone sont aussi mauvais.

Le microphone est suffisant pour faire des appels audio s’il n’y a pas de bruits ambient et que vous êtes seul. Sinon un microphone externe ou un combo micro-casque est recommandé.

Verdict sur la caméra, le microphone, la prise jack et les haut-parleurs : 👎

Chassis

Comme indiqué dans mon précédent billet, le chassis est en métal, c’est déjà ça, mais avec un ajustement un poil approximatif, des bords limite tranchants. Mais rien de bien grave.

Par contre l’épaisseur est un peu faible et le chassis à tendance à se courber assez facilement, ce qui peut engendrer des contraintes sur les composants et accélérer leur vieillissement (cf. la charnière de l’écran).

Sinon le métal n’est pas teinté dans la masse, c’est donc une peinture de surface, les égratignures enlèvent ainsi la peinture et révèlent la couleur métallique. Après, c’est une question de goût. Personnellement, pour un produit de qualité, je préfère que ce soit teinté dans la masse, d’un autre côté, les traces d’usure donnent une certaine patine à l’objet.

Bref, on est quand même loin de la solidité d’un boîtier monocorps.

Verdict sur le chassis : 👎

Obsolescence programmée

Un de mes objectifs lors du choix de cette machine était de pouvoir la garder longtemps (~10 ans), donc :

Niveau réparations nécessaires après quatre ans :

Niveau évolutivité :

Le côté modulaire et standard, garanti de pouvoir remplacer les pièces défectueuses ou de remplacer celles nécessaires à l’évolutivité de la machine. Par contre, une meilleure qualité aurait permis une plus grande longévité de certains composants.

Rien de vraiment surprenant de ce côté-là, à part la batterie, et on ne pourra pas accuser Purism de faire de l’obsolescence programmée 👍.

Logiciel

Système d’exploitation

Le Librem 14 est fourni soit avec PureOS, soit avec QubeOS. Je n’ai essayé que PureOS, donc mes remarques ne concernent que celui-ci.

PureOS c’est une distribution Linux dérivée de Debian. Ils ont repris un sous-ensemble des paquets, recompilé le tout, ajouté quelques spécificités à leur matériel et voilà (c’est vite dit, mais c’est quand même beaucoup de boulot).

Pour les spécificités matérielles, dans l’idée, c’est qu’elles soient appliquées le plus en amont possible (dans le noyau Linux officiel, dans le code source principal des logiciels concernés…). Le problème, c’est que ces modifications ne redescendent pas vite. Debian est connu pour sa stabilité, et donc aussi pour fournir des logiciels qui ont souvent quelques versions de retard. Et une fois une version de Debian sortie, seules les mises à jour de bugs importants/sécurités sont appliquées… jusqu’à la version de Debian suivante… environ deux ans plus tard.

Donc, on peut comprendre l’approche de Purism. Se baser sur Debian, et appliquer leurs modifications directement dessus.

Mais je vois deux problèmes majeurs :

Résultat des courses :

Il me semble en plus que Purism a réduit la taille de son équipe de développement l’année dernière ou i y a deux ans, ce qui n’aide pas du tout. Autant la vision de Purism est bonne, autant la réalisation laisse à désirer.

À part ça, PureOS c’est une Debian, donc pas grand-chose à dire dessus. Personnellement, je pense qu’à la prochaine réinstallation de ma machine, je mets une Debian directement.

Micrologiciels

Embedded Controller

La carte mère a un Embedded Controller (EC) qui, en gros, gère l’électronique bas niveau de la machine. Par exemple, il gère l’alimentation, l’allumage de l’ordinateur, le chargement la batterie, la vitesse de rotation des ventilateurs, le rétro-éclairage du clavier, etc.

Évidemment le point positif principal est qu’il soit open source (il n’y a pas beaucoup d’autres ordinateurs qui puissent en dire autant). En revanche, la dernière version (1.13) date de mars 2023. Et pourtant, on a vu que, ne serait-ce que pour la gestion de l’alimentation, il y a encore pas mal d’améliorations à faire.

La procédure de mise à jour de l’EC est « à l’ancienne » :

Dans PureOS, il est possible de voir la version de l’EC en tapant : sudo purism_ectool info (après avoir installé purism_ectool).

System firmware

Au-dessus de l’EC, il y a le micrologiciel système qui est en charge de s’assurer de démarrer le système d’exploitation. L’équivalent du BIOS ou de l’UEFI.

Ici Purism propose 2 possibilités :

J’utilise PureBoot, qui a l’avantage de neutraliser le Management Engine d’Intel, et de proposer un équivalent de SecureBoot d’UEFI, mais sans dépendre de Microsoft. Ici, la clef est gérée par l’utilisateur. Il s’agit d’utiliser une clef PGP un peu modifiée, la LibremKey est en fait une NitroKey 2, qui est utilisée par heads et le TPM de la machine pour vérifier l’intégrité de celle-ci.

Ayant une Nitrokey 3, celle-ci n’était pas supportée au début, ce qui a été réglé par une des mises à jour de PureBoot. En revanche, changer la configuration de PureBoot pour utiliser cette clef n’a été chose facile. Clairement, il y a encore des progrès à faire pour simplifier l’utilisation de PureBoot.

Mais ça fait maintenant plus d’un an qu’il n’y a pas eu de mise à jour de PureBoot (alors que de nouvelles versions de coreboot et heads sont sorties).

Comme pour l’EC, la procédure de mise à jour de PureBoot n’est pas conviviale :

Conclusion

Niveau logiciel, il est regrettable que les micrologiciels ne puissent pas être mise à jour via le Linux Vendor Firmware Service. Purism a un compte de test dessus, mais c’est tout. La situation générale donne l’impression que Purism a abandonné la partie logicielle de ses produits.

Niveau matériel, la qualité n’est pas au niveau du prix demandé. Ce qui est compréhensible pour une petite structure qui essaye de faire les choses différemment. Comme Purism ne crée pas souvent de nouveaux designs, on se retrouve aussi avec des ordinateurs d’anciennes générations toujours vendus aussi chers que des ordinateurs beaucoup plus récents et de meilleure qualité chez des grosses entreprises comme Dell. Le Librem 14 est toujours l’ordinateur principal vendu par Purism et a un microprocesseur Intel Core i7-10710U sorti fin 2019.

Aujourd’hui, j’aurais du mal à recommander l’achat d’un Librem 14. Je pense qu’il n’est adapté que pour les personnes mettant leur vie privée, sécurité et le logiciel libre très nettement au-dessus de la praticité.

Pour une audience grand-public et une durée de vie potentiellement plus longue, je pense que je recommanderai plutôt une machine de chez framework.

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