Fairphone 4 + /e/
L’entreprise Fairphone
Fairphone est une entreprise néerlandaise qui fabrique des ordiphones plus socialement responsables que ce qui existe.
Plusieurs enjeux traités par Fairphone :
- le commerce équitable : dont s’assurer que toutes les personnes dans la chaîne de production soient rémunérées et traitées correctement, notamment dans les mines.
- l’impact écologique (comme la production d’un appareil électronique représente 78 % de son empreinte carbone et tout un tas de diverses pollutions, il faut les faire durer le plus longtemps possible) :
- utiliser de plus en plus de matériaux recyclés pour réduire l’extraction minière ;
- construire des produits réparables ;
- fournir les pièces détachées ;
- allonger la garantie ;
- fournir des mises à jour logicielles plus longtemps ;
- favoriser la réutilisation ;
- recycler les anciens appareils.
En l’occurrence, j'en parle aujourd’hui comme solution pour remplacer un téléphone portable qui arrive en fin de vie après plus de dix ans de service.
Je vous invite à aller écouter l’entretien d’Agnès Crépet de Fairphone par Tristan Nitot sur l’Octet Vert. Pour ceux qui aiment déprimer, je recommande l’entretien d’Aurore Stéphant de SystExt sur ThinkerView au sujet des mines.
Fairphone est certifiée B Corporation (leur score augmente chaque année) et dans le top 1 % de l’évaluation ecovadis (dommage que Fairphone n’ait pas indiqué son score exact).
Fairphone 4
Le Fairphone 4 est le nouveau modèle d’ordiphone vendu par Fairphone. Les spécifications techniques « classiques » :
- écran 2340 × 1080, 16 cm de diagonale ;
- processeur Qualcomm SM7225 Snapdragon 750G (sorti fin 2020) ;
- 6 ou 8 Go de RAM ;
- 128 ou 256 Go de stockage ;
- Wi-Fi a/b/g/n/ac ;
- téléphonie mobile : 2G, 3G, 4G, 5G ;
- bluetooth 5.1 ;
- nanoSIM + eSIM ;
- positionnement : GPS, Glonass, Galileo, Beidou et A-GPS ;
- lecteur microSD ;
- batterie de 3905 mAh ;
- appareil photo 48 MPixels à l’arrière, 25 MPixels à l’avant ;
- lampe/flash ;
- NFC ;
- lecteur d’empreintes digitales ;
- 75,5 mm de largeur, 162 mm de longueur, 10,5 mm d’épaisseur ;
- 225 g ;
- 579 € pour la version 6 Go de RAM et 128 Go de stockage, 649 € pour la version 8 Go/256 Go ;
- Android 11.
Bon clairement ce n’est pas un petit téléphone. À spécifications techniques équivalentes il est plus cher que la concurrence. Après, tous les téléphones font la même chose depuis plusieurs années, ils sont tous assez matures niveau matériel.
Malheureusement, comme la plupart des téléphones récents, l’écran a des coins ronds et une encoche pour la caméra.
Plusieurs générations d’ingénieurs se sont succédé pour réussir à faire disparaître les coins arrondis de nos téléviseurs et écrans afin de fournir une image entière avec des coins carrés.
Mais depuis qu’un designer retardé de chez Apple s’est dit que c’était plus joli d’avoir des coins arrondis et que perdre de l’information c’était moins important que pouvoir temporairement dire « c’est moi qui ai la plus grossenous avons le plus gros ratio écran/surface disponible »… et que les autres constructeurs sont des moutons… maintenant tout le monde doit subir ce choix de merde.
Mais là où le Fairphone 4 se démarque de la concurrence :
- 5 ans de garantie (la plupart des concurrents se limitent aux 2 ans de garantie légale) ;
- 5 ans de mises à jour logicielles (contre en moyenne 2 à 3 ans pour les téléphones Android et 6 ans chez Apple) ;
- IP54 :
- protection contre les solides : 5 sur 6 (protégé contre les poussières et autres résidus microscopiques) ;
- protection contre les liquides : 4 sur 9 (protégé contre les projections d’eau de toutes directions), c’est difficile de faire un appareil qui s’ouvre facilement pour le réparer et qui soit étanche en même temps ;
- test de chute MIL-STD-810G, j’imagine que c’est selon la méthode 516.6, procédure IV (page 398) : chutes sur les différentes faces, bords et coins de l’appareil d’une hauteur de 122 cm (26 chutes au total) sur une planche de contre-plaqué de 5 cm d’épaisseur reposant sur du béton ;
- certifié Blue Angel (label écologique allemand) ;
- certifié TCO (certification de durabilité des produits informatiques, c’est le seul ordiphone ayant cette certification) ;
- indice de réparabilité : 9,3 sur 10 ;
- note de réparabilité iFixit : 10 sur 10 ;
- pièces de rechanges disponibles ;
- or issu du commerce équitable ;
- aluminium répondant au standard de performance ASI (critères environnementaux, sociaux…) ;
- cobalt via la Fair Cobalt Alliance ;
- lithium via le Responsible Lithium Partnership ;
- tungsten en provenance de zones sans conflit ;
- cuivre recyclé à au moins 50 % (sur le Fairphone 3, je n’ai pas trouvé pour le 4) ;
- soudures en étain recyclé à 100 % ;
- neodymium (aimant) recyclé à 100 % dans les hauts-parleurs, recyclé à 90 % dans les vibreurs ;
- capot arrière en plastique recyclé à 100 % ;
- pour chaque Fairphone 4 acheté, 1 téléphone est reconditionné ou recyclé par Fairphone.
Le téléphone a un bon niveau de finition et donne une bonne impression de robustesse.
/e/OS
Donc en gros le Fairphone est bien pour tout le monde… sauf pour l’utilisateur qui doit utiliser le système espion Android de Google. Entreprise étant connue pour respecter les lois européennes, par exemple avec une amende de 50 M€ contre Google en janvier 2019, une amende de 100 M€ en décembre 2020, ou encore une amende de 150 M€ en janvier 2022. Et ça, c’est seulement de la part de la CNIL en France.
Fairphone y a pensé aussi et a notamment fait un partenariat avec la /e/ foundation. La /e/ foundation est une association française créée par Gaël Duval, celui-là même qui a été à l’origine de la distribution Linux Mandrake, une des premières que j’ai utilisées.
Et cette association édite /e/OS, une version d’Android, basée sur LineageOS. /e/OS est donc un Android sans la partie Google et avec des services de remplacement préinstallés.
Ça pose évidemment un certain nombre de problèmes tellement l’intégration des services Google est profonde dans Android et dans beaucoup d’applications. Les clients de Fairphone sont probablement plus sensibles à la cause écologique que celle du respect de la vie privée, et surtout, avoir un téléphone un peu plus écologique se traduit seulement par un prix plus élevé pour le client. Alors qu’un produit plus respectueux de la vie privé implique des logiciels et des usages différents, chose qui peut être beaucoup plus contraignante pour un potentiel client. J’imagine que c’est pour cela que Fairphone propose un Android standard et ne mets pas en avant la version avec e/OS/, mais offre tout de même cette possibilité pour les clients qui y sont sensibles.
Je n’ai jamais utilisé de téléphone avec un Android « classique », donc je peux difficilement comparer.
Après avoir chargé le téléphone, c’est l’heure du premier démarrage, qui pose les questions pour la première configuration du téléphone :
- sélection de la langue ;
- configuration de la date et de l’heure ;
- connexion au réseau Wi-Fi ;
- puis une étape concernant la carte SIM, mais comme je n’en ai pas, je peux passer cette étape ;
- activer la géolocalisation pour les applications autorisées ;
- ajout d’un code de verrouillage du téléphone (accepte un code à chiffre, un mot de passe ou un schéma) ;
- configuration des empreintes digitales afin de pouvoir faire certaines actions avec (comme déverrouiller le téléphone), ce téléphone ne m’étant pas destiné, je passe cette étape ;
- configuration d’un compte /e/, ne voulant pas utiliser ce service, je passe aussi cette étape.
La /e/ foundation propose son propre service de cloud « ecloud » basé sur tout un tas de logiciels libres, principalement Nextcloud.
J’ai donc essayé d’ajouter un Nextcloud tiers. Il suffit d’ajouter un nouveau compte /e/ mais en spécifiant son propre serveur. De base, il est possible de synchroniser le calendrier, les tâches, le carnet d’adresses, les notes et apparemment la configuration des applications et les SMS (en bêta, je n’ai pas testé). Il y a aussi la synchronisation des photos et vidéos, mais cette fonctionnalité ne semble fonctionner que sur ecloud. J’ai pu installer l’application client Nextcloud classique et la configurer pour avoir un téléversement automatique des photos et vidéos. Pas de soucis non plus pour ajouter Nextcloud Talk.
A priori la configuration des e-mails peut se faire aussi automatiquement, mais dans mon cas, comme les paramètres de connexion sont différents de ceux de Nextcloud, j’ai dû ajouter le compte e-mail manuellement.
À noter que contrairement à iOS, sur un Android de base, il n’est pas possible d’ajouter directement des calendriers, tâches et carnet d’adresses utilisant les standards CalDAV et CardDAV. Pour cela il est nécessaire d’ajouter des applications supplémentaires. Google et les standards… c’est que quand ça les arrange. /e/OS simplifie bien la tâche ici.
De base, il y a aussi Seedvault d’installé, qui permet de faire des copies de sauvegardes du téléphone vers une clef USB ou Nextcloud. Cette application remplace le système de sauvegarde d’origine d’Android qui envoi les fichiers vers Google cloud.
Google Maps est remplacé par Magic Earth qui utilise les données d’OpenStreetMap et m’a l’air vraiment pas mal.
Dans l’ensemble, les applications qui remplacent les applications officielles ne m’ont pas l’air aussi peaufinées, quelques inconvénients en plus, mais aussi quelques avantages (le principal étant de se passer de Google, mais pas que). Il y a des problèmes de traduction, de positionnement des textes… rien de ben grave non plus.
Je dois aussi dire que de ce que j’ai pu voir, j’ai l’impression que e/OS/ n’est pas très porté sur la cybersécurité, ce qui me parait très étonnant vu à quel point le respect de la vie privée ne peut se faire sans prendre en compte la sécurité.
Divers
On notera aussi que le site web de Fairphone utilise beaucoup de services de Google (Ads, tagmanager, youtube…), très probablement en violation du RGPD comme on peut le comprendre des dernières décisions de la CNIL (et équivalents dans les autres pays de l’union).
Fairphone utilise aussi Amazon SES pour envoyer ses e-mails, idem, niveau respect de la vie privée, peut-être pas le meilleur choix qu’ils puissent faire.
Quitte à devoir utiliser Android, j’aurais préféré utiliser GrapheneOS, qui est aussi un Android sans les services de Google, mais avec beaucoup d’améliorations de sécurité. Malheureusement, GrapheneOS fonctionne en gros que sur les téléphones Pixel de Google, et clairement le but ici n’est pas de sponsoriser les mauvaises pratiques de Google en leur donnant de l’argent et surtout le côté moins désastreux pour la planète est perdu.
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